le « fil rouge » de la viscose

Voila plusieurs mois que j’ai dans l’idée de vous présenter ce parcours hors du temps à la périphérie sud de Grenoble..

Voici ma trace telle qu’elle aurait été si j’avais couru ces 7km dans les années 1950 :

 

Alors? Une idée du lieu? ….Allez, je vous aide un peu. Je ne suis pas parti en plein milieu d’un grand champs, vous vous en doutez, mais d’un stade que je fréquente depuis de nombreuses années le midi, non loin d’un axe routier très (voir trop) fréquenté, et qui est considéré aujourd’hui comme le point noir de l’agglomération.

Aller, je vous aide encore un peu :

 

 

Ce quartier c’est celui du « Rondeau ». Me voilà décidé à parcourir un morceau d’histoire révolu depuis des décennies déjà, mais qui garde encore quelques traces d’histoires. il suffit encore une fois d’ouvrir les yeux.

 

Après avoir quitté le stade Bachelard je me dirige coté sud en passant par la Zone industriel où sont notamment implantés aujourd’hui les Ets A. Raymond

Mais me voila soudainement en 1950 au beau milieu d’une usine!!

Et quelle usine! La Viscose. Un véritable colosse avec sa cheminée géante de 70m de haut.

Crédit photo extrait de « Mémoires de Viscosiers »

C’est ici qu’entre 1926 et 1989 des milliers de travailleurs aurons produits dans le bruit, l’humidité, et les émanations acides, un fil artificiel à base de cellulose de bois, moins onéreux que la soie, pour une gente féminine toujours plus exigeante..

Les personnes qui ont travaillés racontent dans cette vidéo les conditions difficiles qu’ils ont connus :

 

 

Avant de poursuivre mon chemin au cœur de cette véritable ville dans la ville, je fais un petit détour en direction du fameux « Rondeau », dont le nom m’a toujours laissé présager qu’il n’a pas été donné au hasard.. Et la suite va me donner raison.

Ce « rond », encore bien marqué au début du XXéme siècle n’a aujourd’hui pas été facile à retracer.

En effet, situé sur le cours de la Libération, il est en partie tronqué en sont milieu à cause du passage de la rocade sud. Impossible donc d’en faire le tour complet en une seule fois.

Mais l’implantation des arbres à plusieurs endroits gardent encore les traces de cet ancien cercle.

         

C’est pas l’endroit le plus sympa pour courir, j’en conviens.. A moins que vous teniez à vous faire tailler un short pour l’été prochain!

Mais l’investigation demande souvent une prise de risque 😉

Bref! Rondeau…. Rondeau… Oui, c’est ROND! Mais je pense que ce n’est pas encore bien clair pour vous.

Alors voilà l’explication  de ce nom qui a perdu aujourd’hui toute sa signification :

Il faut remonter aux environs de 1675 pour mieux comprendre. C’est encore le Drac et ses crues destructrices qui mettent, comme depuis des siècles, « Grenoble en savon« .

On cherche à endiguer ce torrent, impétueux et destructeur, à l’Est en créant le « Canal Jourdan » (plus de 10 ans de travaux titanesques),  mais les débordements sont aussi très nombreux coté Ouest, notamment à cause du…

« Rondeau », large étang circulaire qui lors des crues réalimentait les courants en direction de Grenoble.

Extrait de la "la plaine de Grenoble face aux innondations" de Denis Coeur
Extrait de « la plaine de Grenoble face aux inondations » de Denis Coeur

Nous y voila!! Un étang, un véritable « rond d’eau ».  Je découvre par la même occasion que le cours de la libération (ancien cours saint André) avec ses 8 km,  édifié aussi à cette époque, et sur lequel se situe le rondeau, n’a pas été tracé au hasard… Il vient en effet créer une véritable séparation des habituels débordements du Drac, et par là même, un doublement des digues voulant mettre Grenoble (situé à l’ouest de celui ci)  à l’abri de ce torrent. Comme on peut le voir sur cette carte de 1732.

Extrait de « la plaine de Grenoble face aux inondations » Source : AN F 10056 Archives Nationales

L’énigme du « rondeau » étant maintenant résolu, je vais pouvoir reprendre la suite de ma sortie du midi.

Et je suis sûr que, vous, amis Grenoblois, vous aurez une pensée pour moi lorsque vous serez en voiture à « stagner » au fond de cet ancien étang en allant ou revenant du travail 🙂

 

Cette sortie urbaine se poursuit dans la continuité de l’usine de la Viscose en passant devant le musée du même nom sur lequel on retrouve le « logo » qui trônait autrefois sur le portail d’entrée de l’usine.

Quelques machines de production donne envie d’en savoir plus et de pousser la porte. Un musée très intéressant et gratuit. Pour plus d’info, cliquez sur la photo  ci dessous :

J’entre maintenant dans la Cité de la Viscose, aujourd’hui réhabilité en logements sociaux. La plupart des habitations sont d’époque.

Je longe une partie du canal qui sépare ces petites maisons de quartes appartements où étaient logés la plupart des travailleurs de l’usine. Ici se côtoyait différentes communautés. Hongrois, Espagnols, Portugais, Italiens, Polonais, Russes, Turcs, Grecs, Algériens…. La main d’œuvre était en majorité issue de l’immigration et au début du siècle, elle représentait à elle seule plus de  62% de la population d’Échirolles.

Voici la suite de ma trace au beau milieu de la cité telle qu’elle était en 1927 lors de sa création.

Crédit photo : « mémoires de viscosiers »

Une des maison d’époque réhabilitée :

Après avoir traversé la cité, j’arrive au niveau du parc et du musée Géo-Charles qui regroupe un patrimoine unique du XXème siècle sur l’art, le sport, la littérature.

Ce musée et ce magnifique parc avec son plan d’eau, fait lui aussi partie de l’histoire de la Viscose, puisque cette demeure n’était autre que celle du directeur de l’usine…

 

Voila ce parcours « fil rouge » dans l’histoire de cette usine de soie artificielle qui s’étire sur plus de 3 kms vers le sud de Grenoble.

 

Un fil qui s’est définitivement rompu le 2 mars 1989 à 17 heures, mettant fin à 60 ans d’exploitation.

 

De mon côté le « fil rouge » de mon parcours m’aura ramené à mon point de départ.

J’aurai désormais une autre vision des choses en passant dans ce quartier chargé d’histoire, jalonnant aujourd’hui, deux musées gratuits que tout Grenoblois se devrait de visiter.

On peut faire de belles découvertes même sur un parcours urbain, et il est toujours intéressant, je trouve, de savoir dans les traces de qui l’on court…

 

 

 

 

 

 

 

2 réflexions au sujet de « le « fil rouge » de la viscose »

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